Le tourisme esthétique au Maroc n’est pas une tendance nouvelle. Grâce à quelques chirurgiens pionniers, le pays était, dès les années 50, une destination prisée dans le domaine. Actuellement, bien que le Royaume n’affiche pas la volonté claire de développer cette catégorie de tourisme, les patients étrangers représentent une large part de la clientèle de certaines cliniques spécialisées.
Source : conjoncture.info
Il suffit de taper « le meilleur chirurgien esthétique au Maroc » pour tomber sur une longue liste de médecins et de forums où les patients vantent leurs mérites et échangent des conseils pour faire le bon choix. Qu’ils soient marocains, mais aussi étrangers, les personnes qui souhaitent aujourd’hui remodeler leur silhouette, rajeunir leur visage ou autre, sont de plus en plus nombreuses à travers le monde. Et comme la demande est là, l’offre suit.
Une longue tradition
Au Maroc, la chirurgie esthétique ne date pas d’hier et le tourisme qui va avec non plus. De grands noms de la profession y sont associés comme le Dr Cochain, le Dr Lentillhac, créateur de la première école de chirurgie esthétique au Maroc, et, bien sûr, le très célèbre Dr Burou qui dans les années soixante déjà, recevait à son cabinet des patients du monde entier. Casablanca était d’ailleurs la capitale de la chirurgie plastique dans les années cinquante, soixante et même jusqu’au début des soixante-dix. Depuis ce temps-là, plusieurs générations de chirurgiens se sont transmis le flambeau.
Aujourd’hui , ces touristes d’un genre particulier reviennent de nouveau à Casablanca pour bénéficier de l’expertise de ses médecins et de la douceur de son soleil. « La clinique Cochain était la première de ce genre au Maroc, mais aussi en Afrique. En général, la plupart des patients à ce moment-là étaient des personnes aisées et faisaient partie de l’élite. Cela a, par la suite, repris plus fortement à partir de 1992 ou 1993. À l’époque déjà, on militait pour que le pays s’oriente vers un tourisme esthétique. Mais d’autres nous ont devancé comme la Tunisie qui cible principalement les Européens du pourtour méditerranéen », explique le Dr El Hassan Tazi, chirurgien plasticien, inventeur d’une technique de liposuccion brevetée et protégée à travers le monde, membre de l’American Society for Aesthetic Plastic Surgery et membre actif de l’Académie des sciences de New York.
Une clientèle étrangère particulièrement choyée
Actuellement, on estime à une centaine le nombre de médecins qui soignent et opèrent des patients étrangers. Les interventions le plus pratiquées sont la liposuccion, la gynécomastie, l’augmentation mammaire… « Le visage est un gros chapitre de la chirurgie esthétique touristique. Les demandes concernent majoritairement la chirurgie des paupières, la rhinoplastie esthétique, le lifting et exceptionnellement la chirurgie esthétique des oreilles. Personnellement, selon les saisons, j’ai entre 70 à 80 % de ma patientèle qui vient hors du Maroc », précise le Dr Tazi.
Les principaux pays émetteurs sont l’Algérie, la France, l’Espagne, l’Italie, le Canada, les États-Unis, les pays du Golfe, l’Irak, la Syrie, le Liban, Israël, l’Australie, l’Allemagne, la Hollande, la Suède, le Danemark… Et depuis quelques années maintenant, ce sont les demandes provenant de patients africains qui explosent. Un grand nombre d’entre eux viennent au Maroc pour se faire opérer. « J’ai eu des patients venus du Soudan, de la Côte d’Ivoire, du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal. Et cela ne fait qu’augmenter. Je pense que si on leur assouplissait l’obtention du visa, ils seraient encore plus nombreux à venir. Comme c’est le cas en Inde qui est devenue l’une des premières destinations dans ce secteur. Elle a créé un visa dit de “catégorie M”, dédié au tourisme médical, qui simplifie l’entrée sur le territoire des patients et de leurs accompagnateurs. Cela fait déjà près de 20 ans que l’on ne cesse de réclamer une vraie politique de tourisme médical. Or, rien n’a été fait et nous sommes toujours au point mort. Aucun travail de fond n’est mené par les Ministères du Tourisme, du Transport et de la Santé pour la venue de ces patients. Pourtant, un touriste médical rapporte au pays entre 5 à 10 fois plus qu’un touriste normal. Tous les chiffres à travers le monde le prouvent : des milliards de dollars sont investis chaque année dans le tourisme médical et le pays qui prend une bonne partie du gâteau est la Turquie. Nous, nous ne récoltons au final que les miettes », déplore Dr Tazi.
Un secteur sous-exploité au Maroc
En effet, l’écosystème du tourisme médical marocain est encore peu valorisé et on observe davantage de stratégies isolées de la part des acteurs que l’esquisse d’une véritable politique nationale. Pourtant, compte tenu des atouts et des compétences dont dispose le Maroc dans le domaine et sa réputation à l’étranger, le tourisme médical peut être une source de revenus et de création d’emplois à la fois dans les secteurs de la santé et du tourisme.
Selon la Banque mondiale, le tourisme de santé pèse annuellement 40 milliards de dollars dans le monde, dont 10 milliards de dollars pour la seule région du Moyen-Orient. D’après une étude de Deloitte, depuis les années 80, le tourisme de santé croit de plus de 10 % chaque année. Dans un autre rapport publié par VISA et Oxford Economics, l’industrie du tourisme médical a été évaluée au montant impressionnant de 439 milliards de dollars, avec un taux de croissance projeté de jusqu’à 25 % en glissement annuel au cours des dix prochaines années.
Les raisons qui poussent ces personnes à venir au Maroc sont principalement financières. En effet, les prix des soins et des opérations sont 30 à 40 % moins chers qu’en France par exemple. De plus, selon le Dr Tazi, la prise en charge est plus rapide et s’effectue à échelle humaine et non industrielle comme cela peut être notamment le cas en Tunisie ou en Turquie. « C’est d’ailleurs ce qui nous distingue de ces pays et qui fait notre réputation à l’international. Nous avons une certaine notoriété et donc au-delà de l’aspect financier, nous sommes reconnus pour notre professionnalisme. Et c’est justement pour cette raison que nous n’avons jamais eu jusqu’à présent de conflits avec les associations, les syndicats ou les ordres des médecins européens. Bien au contraire, notre relation est soutenue et entretenue dans un respect mutuel », insiste-t-il.
Au Maroc, les prix des opérations et soins esthétiques sont 30% à 40% moins chers qu’en France par exemple.
Les soins dentaires, une spécialité très demandée
Une autre spécialité qui est également de plus en plus prisée depuis une dizaine d’années par les touristes médicaux est la chirurgie esthétique dentaire. Ces derniers affluent de partout pour faire ce qu’on appelle « une réhabilitation du sourire ». Cela inclut les facettes, les couronnes, le blanchissement… « Je reçois en moyenne 10 à 20 patients étrangers par an qui viennent principalement de France, de Suisse, des États-Unis, de Mauritanie et du Sénégal. La prise de contact se fait en général par internet ou via les recommandations d’un autre patient. On demande à ce qu’on nous envoie les photos, les radios par email et sur cette base que je fais une estimation du prix et j’établis le plan de traitement “approximatif”, car ce n’est que lorsque l’on rencontre le patient que l’on peut réellement juger de l’utilité ou non de l’acte chirurgical. Et c’est d’ailleurs quelque chose sur lequel j’insiste quand je discute avec les patients. », explique Dr Mohamed Benchekroun, dentiste, endodontiste, implantologiste et parodontologiste à Casablanca. Ainsi, le Maroc est aujourd’hui considéré comme destination touristique médicale de choix grâce à l’amélioration de son plateau médical et à sa stabilité. De ce fait, il fait partie des quatre destinations médicales phares d’Afrique, aux côtés de la Tunisie, de l’Afrique du Sud et de l’Égypte. Il est en plus classé 31e parmi 41 principales destinations mondiales et 3e parmi les pays francophones selon le rapport de 2016 du journal leader du secteur, Medical Tourism IndexTM (MTI)*. « Vu l’importance du tourisme médical et sa contribution à l’image du Royaume et à l’accroissement de l’économie, il convient de promouvoir la plateforme, “Le Maroc, Capitale du Tourisme de santé”. Nous avons tout à y gagner », conclut Khalil Daffar, Directeur Général de Africa Medical Tourism Expo. À bon entendeur…